Que feriez-vous si vous saviez que vous ne pourriez pas échouer?
Hautement perspicace et péniblement honnête, l'album «Grey Matter» de Sean Blake HTF est une bataille entre ses ambitions audacieuses et ses doutes dévastateurs. Les hauts brillants, les bas déprimants et l'apathie qui se retrouve entre les deux.
L'esthétique visuelle de l'album est centrée sur la distorsion, le gauchissement et tout ce qui est gris. Cela reflète la production musicale ainsi que les thèmes lyriques.
Pour ajouter de la profondeur, nous avions besoin d'un protagoniste. Un personnage qui pourrait représenter Sean et renforcer la narration visuelle de l'album. Entrez le pigeon. Reconnaissable par son riche plumage gris et sa foulée caractéristique, la plupart des gens passent devant ces créatures sans un second regard.
Alors que les colombes sont perçues comme bénies ou pures, les pigeons sont généralement considérés comme des pestes nuisibles, bien qu'ils soient essentiellement le même animal. Les pigeons sont des créatures intelligentes et déterminées, mais disons qu’ils ont des mauvaises relations publiques.
Une mauvaise image de soi nous nuit. Ça a tendance à provoquer beaucoup de négativité. Nous commençons à vivre dans la peur.
Nous avons tendance à croire que la peur est une mauvaise chose. Nous essayons de nous en cacher. Mais cette approche est imparfaite. Nous devons vivre avec la peur, et chercher à la comprendre. Parce que la peur essaie de nous offrir une pièce importante du casse-tête dans la vie. Dépendamment de notre perspective, ça peut soit nous abattre, ou être l'outil qui nous guide dans la bonne direction.
La peur de voler diminue si on considère que la turbulence est normale.
Mon exposition la plus mémorable à la distorsion ne vient pas de la musique. Ça vient de l'école. Les professeurs de sciences sociales étaient les délinquants fréquents. D'une façon ou d'une autre, leur article favori était toujours tiré d'une revue scientifique de l’année 1972, photocopiée. Et ensuite ils ont photocopié cette photocopie. Et ensuite ils ont photocopié cette photocopie. Et ainsi de suite, pendant des années et des années, jusqu'à ce que je sois inscrite dans leur classe et qu’ils me remettent ma copie. Le résultat final était un vrai chef-d'œuvre. Ça ressemblait plus à de l'art qu'à un article éducatif. Le texte était devenu ondulé. Les photos, indéchiffrables - souvent réduites à des rectangles sombres.
J'ai donc utilisé l'outil préféré de mes professeurs, le photocopieur, pour créer un monde déformé pour «Grey Matter».
J'ai également dessiné des portraits de contour pur aveugles de Sean. Cela consiste à dessiner le contour d'un sujet en ligne continue, sans soulever le stylo, et sans regarder le papier. Le but n'est pas de produire un «bon» dessin, mais de dessiner des détails plus réalistes, plutôt que de s'appuyer sur des symboles de dessin mémorisés.
Les visuels qui en résultent sont d’humeur sombre, avec des nuances dissociatives.
Après mes premières explorations dans la création d'images avec un photocopieur, j'ai poussé cette direction un peu plus loin. J'ai déformé les images jusqu'à ce que leurs détails soient devenus flous au-delà de la reconnaissance - en les photocopiant jusqu'à 50-60 fois. (Cela m'a amené à recevoir des regards étranges au centre de copies.)
J'ai scanné chacune de ces photocopies, et je les ai utilisées pour créer des animations GIF. Ils reflètent la distorsion stylistique de l'album, ainsi que le chaos interne et l'agitation exprimés dans les paroles.
Photo originale © Antoine Ryan
Un voyage dans les profondeurs de l'esprit sera toujours un peu sombre et effrayant. «Grey Matter» n’échappe pas à cette réalité.